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[MYTROWYTCH]

L’ Ukraine, véritable successeur de la Rus’





A la veille de « l’ Année France-Russie 2010», le Centre d’ Etude
Slaves organise un conférence intitulée « l ‘Europe et la Russie .De la Rus’ à Poutine » .
A cette occasion, le 2 3 novembre, j’ ai adressé à monsieur Pierre Gonneau, Directeur du Centre d’ Etudes Slaves le courrier suivant :




Monsieur le Directeur,


J’ai reçu avec le numéro un petit fascicule sur une conférence qui doit se
dérouler le 29 janvier et le 30 janvier 2010.
L’ intitulé de la conférence est « l’ Europe et la Russie » et de « la Rus’
A Poutine ».


Le titre de « la Rus’ à Poutine » m’ interpelle, en effet, je considère que
le successeur de la Rus’, c’ est l’ Ukraine et non la Russie .
Considérer que l’ Histoire de la Russie à commencé par la création de
l’ état kievien est une imposture, c’est comme si on disait que l’ histoire
de la France a commencé à la création de l’ Empire Romain…


En tant que personne d’ origine ukrainienne, je suis révolté de voir
une administration, telle que la vôtre, propager une vision russo-centriste
de l’ Histoire…dire que la Rus’ est le début de la Russie, revient à nier
l’ existence de l’ état ukrainien et à confirmer la thèse des milieux
chauvins russes présentant l ‘ Ukraine comme « un état artificiel » qui s’est crée à partir de la Russie .


Il est dommage que par rapport à l’ historiographie de la Russie,le Centre
d’ Etudes Slaves n’ ait pas fait encore sa véritable perestroika . Certes le
titre de la conférence n ‘ est plus « de la Russie Kievienne à Poutine »,
Le mot « Rus’ » est employé pour ménager l’ Etat Ukrainien en apparence,
Mais la thèse reste la même !!!


L’ histoire de la Russie commence avec la création du Grand-Duché de Moscou,
Certes, ce territoire de la Russie a appartenu à la Rus’ mais on peut le dire aussi du territoire français actuel ayant appartenu à l’ Empire Romain. Cela ne signifie pas pour autant que la France est le successeur de l’ Empire Romain !!!



C’ est par conséquent à une erreur grossière dans la reconstitution des faits historiques que votre nom restera attaché et ce pour les décennies à venir.



Je tiens également à vous dire que cette présentation faussée de l’ histoire n’ est plus du tout du goût de l’ état ukrainien, un certain nombre d’ historien français étant à ses yeux très mal placés parmi les états européens, de par leurs écrits et leurs interventions pour mériter de parle des origines de la Rus’ .




Dans l’ attente d’une réponse, Veuillez agréer, Monsieur le Directeur,
l’ assurance de mes sincères salutations .



Bogdan MYTROWYTCH

[Paul]

Bonjour MYTROWYTCH,

Belle lettre, mais je crains qu'elle ne soit pas reçue par ces "historiens" français qui, sauf exceptions notables comme, par exemple Nicolas Werth, Stéphane Courtois et quelques autres, continuent à suivre la ligne tracée par Roger Portal, pape français depuis 1950 de l'histoire de la Russie et de l'Union soviétique et de son élève Hélène Carrère d'Encausse. Et je m'abstiens de parler de la ligne politique de la France et de son attirance pour une alliance franco-russe tantôt réelle, tantôt mythique suivant les époques mais toujours présente dans l'inconscient de nos hommes d'Etat.

Le livre du premier « Russes et Ukrainiens, Flammarion – Questions d’histoire, Paris, 1970 » date pourtant et n'était que le reflet de la vision russo-centrée de l'Histoire de ce pays. Pourtant, elle est semble-t-il toujours un références consciente ou non pour pas mal de nos historiens. Si au moins ils faisaient preuve de curiosité et étudiaient les documents aujourd'hui disponibles depuis la chute du communisme au lieu de répéter benoitement les incantations "officielles" de leurs prédécesseurs.

Les historiens ukrainiens voient dans le Grand Duché de Lithuanie le véritable successeur de la Rus' kiévienne après la prise de Kyiv par les Mongols. Dès avant, minées par des querelles dynastiques, les diverses principautés jouissaient d'une indépendance certaine bien que les knyaz (princes) étaient tous apparentés avec la dynastie régnante dans la capitale. La Lithuanie pris le contrôle, souvent avec l'assentiment de la noblesse ruthène, des principautés occupant tout le territoire actuel du Belarus et de l'Ukraine, y compris Kyiv. A tel point que la noblesse lithuanienne était majoritairement ruthène, que la langue officielle de ce Grand Duché devint également le ruthène (jusqu'au 17e siècle) et que les lois en vigueur dans la Rus' y furent également transposées.


Quant à Moscou ...

Au départ, ce n’était qu’un petit village de cabanes de bois comme il en existait un grand nombre à cette époque. La région était alors peuplée de Slaves orientaux et de Finnois. La première mention qui en est faite date de 1147 quand le Velikiy knyaz (Grand Prince) de Kyiv, Yuri (= Georges), fut chassé de son trône et se réfugia au nord dans la principauté de Vladimir-Suzdal.

En 1156, on l’entoura d’une palissade de bois afin de servir de refuge et de lieu fortifié contre les incursions venues de l’Est. Il est possible que la défense était assurée par des Varègues (Vikings) qui servaient souvent comme mercenaires dans les armées de la Rus’ mais je doute qu’ils aient construit un quelconque village, même nommé Moscou.

La localité fut saccagée et détruite, comme de nombreuses autres par les Mongols en 1237. Elle ne fut reconstruite qu’un siècle plus tard, en 1327, et sa position favorable sur la Moskova lui permit de devenir la nouvelle capitale (avec Tver) de la principauté de Vladimir-Suzdal qui relevait alors de la Horde d’Or mongole.

Un autre Yuri, devint prince puis grand-prince de Moscou en 1340 grâce à son dévouement pour la cause mongole : il épousa la sœur du Khan et se chargea de récolter le tribut dû aux Mongols auprès des autres principautés du nord de la Russie actuelle (Vladimir-Suzdal, Novgorod …). Son fils, Ivan Ier suivit la ligne de son père et parvint à rendre héréditaire le titre nouveau de grand-prince de Moscou.
Le territoire de cette principauté était, au départ, assez réduit comparativement à ses voisines mais le soutien mongol lui permit de s’agrandir progressivement à leurs dépens.


Je rappelle le texte, déja mis en ligne sur ce site, de l'historien Iaroslav Lebedynsky sur "L'Empire médiéval de Kiev, débats historiques d'hier et d'aujourd'hui" : http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_empire_medieval_de_kiev_debats_historiques_d_hier_et_d_aujourd_hui.asp

Cet article se veut un exposé impartial de ce qui est connu aujourd'hui sur l'Empire médiéval de la Rus'.
.

[MYTROWYTCH]

Merci à Paul pour sa réponse et sa documentation , effectivement je ne peux que être d' accord, la lettre du directeur du Centre d' Etudes Slaves
le confirme :



Paris, le 24 novembre 2009


Monsieur,


Votre lettre aborde à mon sens la question de la Rus’ par le mauvais bout .
Tout comme la Francia de Charlemagne, n’ appartient en propre ni à l’ Allemagne ni
à la France, la Rus’ est l’héritage commun des Russes , des Ukrainiens et des Biélorusses
(que vous oubliez ).
Cet héritage a été l’ objet de manipulations idéologiques à toutes les époques, nous en sommes entièrement d’ accord et cela fait aussi partie du travail de l’ historien d’en parler.
Ivan le Terrible était persuadé comme son père et son grand-père d’ être le descendant direct de Vladimir et c’est sur cette lignée qu’il bâtissait sa légitimité à sas propres yeux. On ne peux donc commencer l’ histoire russe ex-nihilo en 1276 ou en 1547 .
Quand à savoir qui « mérite » de parler de l’ histoire russe ou ukrainienne, ce n’est heureusement pas aux autorités de ces pays d’en décider .
Bien cordialement

Pierre Gonneau





Le directeur du Centre d’ Etudes Slaves, qui est professeur agrégé d’ Histoire semble méconnaître l’ œuvre de Mykhailo Hruchevsky consacrée à cette question.
En effet, ce grand historien, qui fait autorité aujourd’hui en Ukraine, rédigea à la fin du dix neuvième siècle sa monumentale « Histoire de l’ Ukraine-Rus’ ».

Le grand historien est donc méconnu en France, 18 ans après l’ indépendance de l’ Ukraine,
Par contre la thèse soviétique « du berceau des trois peuples frères » (Russe-Ukrainien-Biélorusse) est toujours présente !!!

Encore une fois je suis révolté par cet état de fait, je laisse donc à vous, chers internautes,
de donner votre avis sur cette question .

Je transmet donc aussi le mail du Centre d’ Etudes Slaves(Centre.etudes-slaves@paris-sorbonne.fr) afin que vous puissiez faire part de votre appréciation à monsieur Pierre Gonneau .




Bogdan MYTROWYTCH